Entretien mené par Patricia, éditrice du site Astroquid-france.fr
Patricia : Bonjour Patrick. Votre parcours est atypique, mariant art, philosophie et psychologie. L’astrologie a-t-elle été une passion unificatrice pour vous, un fil conducteur entre ces différentes disciplines ?
Patrick Legwen-Phal : Je dirais plutôt que ma passion a toujours été la quête de sens. L’astrologie s’est inscrite naturellement dans cette démarche. C’est en fait la peinture qui a initié ce mouvement. En m’intéressant aux lois optiques de l’impressionnisme puis à la « géométrie secrète » des peintres de la Renaissance, j’ai eu l’intuition qu’une réalité plus profonde existait derrière les apparences. L’astrologie a été la confirmation de cette intuition : un système qui permettait, par des calculs, de comprendre des aspects du comportement humain. J’ai découvert un monde organisé par des structures qui m’étaient jusque-là inconnues.

Patricia : Au milieu des années 80, vous avez ensuite découvert l’Astrologie conditionaliste, qui est au cœur de votre travail. Qu’est-ce qui vous a attiré vers cette approche en particulier ?
Patrick Legwen-Phal : J’ai d’abord exploré diverses formes d’astrologie, mais elles ne m’ont pas convaincu. Je trouvais leur manque de cohérence flagrant, et leur dépendance à un symbolisme déconnecté des lois de la nature me laissait sceptique. De plus, pour certaines d’entre elles, leur orientation fataliste me paraissait absurde. La découverte de l’Astrologie conditionaliste de Jean-Pierre Nicola a changé la donne. Cette approche proposait une méthodologie claire, enracinée dans la réalité du système solaire, offrant enfin la cohérence que je cherchais. À l’opposé du fatalisme pur et dur, elle part du principe que l’être humain est influencé par des déterminismes (internes et externes) et que, loin de limiter sa liberté, les comprendre lui permet d’agir avec plus de conscience. C’est cette rigueur intellectuelle réconciliant l’astrologie avec la philosophie et la science qui m’a séduit.
Patricia : L’une des idées centrales du conditionalisme est le passage du symbole au signal. Pourriez-vous nous l’expliquer ?
Patrick Legwen-Phal : C’est le cœur de notre approche. Jung disait qu’un symbole est vivant tant qu’il est « gros de significations », mais qu’il « meurt » une fois sa signification dévoilée. La recherche conditionaliste a précisément permis de découvrir l’expression qui formule clairement ce que les symboles traditionnels pressentaient de manière vague et confuse.
Derrière les symboles astrologiques (le zodiaque, les planètes), il y a une réalité manifeste, concrète. Cette réalité est celle des signaux concrets de la nature. Il en est ainsi du zodiaque photopériodique, qui reflète le cycle des variations des rapports des arcs diurnes et nocturnes. Ce zodiaque-signal, non symbolique, a une structure et une cohérence qui permettent des analyses fines. L’analyse que nous en tirons permet de retrouver les significations que la symbolique traditionnelle contenait, tout en l’enrichissant de significations nouvelles et surtout, plus précises.

Patricia : Vous dites que le conditionalisme est plus « pertinent » que « vrai ». Pourquoi cette distinction ?
Patrick Legwen-Phal : Le critère de la vérité est souvent dogmatique. Je préfère parler de pertinence, c’est-à-dire de la capacité d’une discipline à être en adéquation avec les phénomènes qu’elle étudie. Est-ce que le conditionalisme est plus pertinent ? De mon point de vue, oui. Il est en adéquation avec les phénomènes qu’il se propose d’analyser. L’astrologie conditionaliste s’appuie sur une vision du monde qui ne sépare pas artificiellement le corps et l’esprit, comme le faisait le philosophe Spinoza. Il est fascinant de voir que les recherches actuelles en neurosciences redécouvrent cette non-séparabilité. L’homme est le produit de multiples conditionnements ; l’astrologie conditionaliste permet de mieux les identifier. Connaître ces déterminismes ne nous enlève pas notre liberté, mais nous donne les moyens d’exercer cette liberté de manière éclairée. L’astrologie devient ainsi un outil de connaissance de soi pour vivre en harmonie avec sa propre nature et celle du cosmos.
Patricia : Quel est le rapport, dans cette optique, entre l’astrologie et la spiritualité ?
Patrick Legwen-Phal : À mon sens, la spiritualité est une réponse humaine parmi d’autres aux sollicitations du cosmos. En soi, l’Astrologie conditionaliste n’a pas de contenus explicitement spirituels. La spiritualité est, je dirai, une dimension subjective ajoutée, projetée sur la « matière » astrologique. En effet, chacun est libre de donner un sens à son rapport au monde, que celui-ci passe par l’astrologie ou par d’autres connaissances ou expériences.
Quant à la quête de vérité que vous évoquez – j’y ai déjà répondu partiellement – toutes les disciplines de connaissance de soi peuvent être des chemins pour nous aider à mieux nous comprendre, mieux nous situer dans le monde, à mieux découvrir la complexité de notre nature. L’astrologie participe de cette connaissance de soi, des autres, du monde et peut aider les quêteurs de vérité à progresser dans cette voie. Si d’un point de vue spinoziste, la vraie liberté est adhésion consciente à sa propre nécessité intérieure alors l’astrologie peut être utile car elle aide à conscientiser ses propres tendances ou tropismes qui sont en continuité avec l’externe. Rappelons que pour Spinoza, la connaissance rationnelle et l’intuition – parachevant en quelque sorte la connaissance rationnelle et permettant d’atteindre directement l’essence singulière des choses – peuvent mener à la joie et à la vie bonne et libre.
Patricia : En guise de conclusion, pouvez-vous nous dire ce qu’apporte l’Astrologie conditionaliste dans votre vie ?
Pour moi l’Astrologie conditionaliste est bien plus qu’une simple discipline. Elle est pour moi une source de méditation constante sur le Réel. À la croisée des sciences physiques et humaines, elle pourrait nous aider à gagner en lucidité sur nos déterminations internes et externes, et sur les illusions auxquelles nous expose toute quête de vérité. C’est, à mon sens, une voie de connaissance authentique pour ceux qui ne craignent pas d’associer rigueur et imagination, rationalité et intuition, réalisme et poésie. Et sans doute aussi, dans la ligne de ce que Michel Foucault exposait en 1984 au Collège de France dans sa dernière leçon Le courage de la vérité : « On atteindra à la vraie vie qu’à la condition préalable d’avoir pratiqué sur soi ce déchiffrement de la vérité. Déchiffrer la vérité de soi dans ce monde-ci, se déchiffrer soi-même dans la méfiance à l’égard de soi et du monde, dans la crainte et le tremblement à l’égard de Dieu, c’est cela et cela seulement qui pourra nous donner accès à la vraie vie. »