Entretien avec l’Astrologue Patrick Legwen-Phal


Entretien mené le 17 août 2025 par Patricia, éditrice du site Astroquid-france.fr

Patricia : Bonjour Patrick Legwen-Phal. Votre parcours est atypique, mariant art, philosophie et psychologie. L’astrologie a-t-elle été une passion unificatrice pour vous, un fil conducteur entre ces différentes disciplines ?

Patrick Legwen-Phal : Je dirais plutôt que ma passion a toujours été la quête de sens. L’astrologie s’est inscrite naturellement dans cette démarche. C’est en fait la peinture qui a initié ce mouvement dans les premières années de mon adolescence. En m’intéressant aux lois optiques de l’impressionnisme puis à la « géométrie secrète » des peintres de la Renaissance, j’ai eu l’intuition qu’une réalité plus profonde existait derrière les apparences. L’astrologie a été la confirmation de cette intuition : un système qui permettait, par des calculs, de comprendre des aspects du comportement humain. J’ai découvert un monde organisé par des structures qui m’étaient jusque-là inconnues.

La géométrie secrète des peintres
La géométrie secrète des peintres

Au milieu des années 80, vous avez ensuite découvert l’Astrologie conditionaliste, qui est au cœur de votre travail. Qu’est-ce qui vous a attiré vers cette approche en particulier ?

J’ai d’abord exploré diverses formes d’astrologie, mais elles ne m’ont pas convaincu. Je trouvais leur manque de cohérence flagrant, et leur dépendance à un symbolisme déconnecté des lois de la nature me laissait sceptique. De plus, pour certaines d’entre elles, leur orientation fataliste me paraissait absurde.

La découverte de l’Astrologie conditionaliste de Jean-Pierre Nicola a changé la donne. Cette approche proposait une méthodologie claire, enracinée dans la réalité du système solaire, offrant enfin la cohérence que je cherchais. À l’opposé du fatalisme pur et dur, elle part du principe que l’être humain est influencé par des déterminismes (internes et externes) et que, loin de limiter sa liberté, les comprendre lui permet d’agir avec plus de conscience. C’est cette rigueur intellectuelle réconciliant l’astrologie avec la philosophie et la science qui m’a séduit.


L’une des idées centrales du conditionalisme est le passage du symbole au signal. Pourriez-vous nous l’expliquer ?

C’est le cœur de notre approche. Jung disait qu’un symbole est vivant tant qu’il est « gros de significations », mais qu’il « meurt » une fois sa signification dévoilée. La recherche conditionaliste a précisément permis de découvrir l’expression qui formule clairement ce que les symboles traditionnels pressentaient de manière vague et confuse.

Derrière les symboles astrologiques (le zodiaque, les planètes), il y a une réalité manifeste, concrète. Cette réalité est celle des signaux concrets de la nature. Il en est ainsi du zodiaque photopériodique, qui reflète le cycle des variations des rapports des arcs diurnes et nocturnes. Ce zodiaque-signal, non symbolique, a une structure et une cohérence qui permettent des analyses fines. L’analyse que nous en tirons permet de retrouver les significations que la symbolique traditionnelle contenait, tout en l’enrichissant de significations nouvelles et surtout, plus précises.

zodiaque
Le zodiaque-signal et réponse du conditionalisme

Pourriez-vous nous dire quelques mots sur le logiciel d’astrologie Azimut35 que vous avez conçu ?

Le logiciel d’astrologie Azimut35, que j’ai créé en 1994 et que je continue de développer, représente une contribution importante dans le domaine de l’astrologie. Bien plus qu’un simple outil de calcul de thèmes, il est au cœur de ma démarche de réflexion pédagogique et m’a permis au fil des années de concrétiser et de rendre accessibles les concepts de l’astrologie conditionaliste.

L’innovation la plus significative du logiciel réside dans l’intégration d’un algorithme d’interprétation fondé sur le modèle R.E.T. (Représentation, Existence, Transcendance). Cette approche unique offre une lecture structurée et logique du thème astral, s’éloignant des interprétations subjectives pour proposer une analyse basée sur des principes clairs. Ce modèle, rendu opérationnel par le logiciel, permet de traduire des données astrologiques complexes en un langage compréhensible, facilitant ainsi l’apprentissage et l’application pratique de la théorie conditionaliste. En ce sens, Azimut35 n’est pas seulement un programme, il constitue également un véritable outil pédagogique.

Logiciel astrologie Azimut35

Peut-on penser que l’Astrologie conditionaliste est plus vraie que les autres formes d’astrologie  ?

Il est plus utile de juger l’astrologie conditionaliste sur sa pertinence que sur sa « vérité ». Une discipline se distingue par sa capacité à proposer des outils qui correspondent à la réalité qu’elle étudie. Comme l’a noté Pierre Thuillier, une théorie de qualité est avant tout celle qui suscite de bonnes questions et permet un dialogue fructueux avec les phénomènes.

De ce point de vue, l’astrologie conditionaliste est particulièrement pertinente. Elle offre un cadre solide pour explorer les liens complexes entre l’être humain et le cosmos, rejoignant en partie la vision spinoziste d’une non-séparation entre le corps et l’esprit, une idée que les neurosciences redécouvrent aujourd’hui.

En identifiant les déterminismes qui nous façonnent, l’astrologie conditionaliste ne supprime pas notre liberté, mais la renforce. Elle devient un outil de connaissance de soi, nous permettant d’exercer notre libre arbitre de manière plus consciente et de vivre en harmonie avec notre nature profonde et celle de l’univers.


Quel est le rapport, dans cette optique, entre l’astrologie et la spiritualité ?

À mon sens, la spiritualité est une réponse humaine parmi d’autres aux sollicitations du cosmos. En soi, l’Astrologie conditionaliste n’a pas de contenus explicitement spirituels. La spiritualité est, je dirai, une dimension subjective ajoutée, projetée sur la « matière » astrologique. En effet, chacun est libre de donner un sens à son rapport au monde, que celui-ci passe par l’astrologie ou par d’autres connaissances ou expériences.

Quant à la quête de vérité évoquée plus haut – j’y ai déjà répondu partiellement – toutes les disciplines de connaissance de soi peuvent être des chemins pour nous aider à mieux nous comprendre, mieux nous situer dans le monde, à mieux découvrir la complexité de notre nature. L’astrologie participe de cette connaissance de soi, des autres, du monde et peut aider les quêteurs de vérité à progresser dans cette voie.

Si d’un point de vue spinoziste, la vraie liberté est adhésion consciente à sa propre nécessité intérieure alors l’astrologie peut être utile car elle aide à conscientiser ses propres tendances ou tropismes qui sont en continuité avec l’externe. Rappelons que pour Spinoza, la connaissance rationnelle et l’intuition – parachevant en quelque sorte la connaissance rationnelle et permettant d’atteindre directement l’essence singulière des choses – peuvent mener à la joie et à la vie bonne et libre.


Qu’est-ce qui vous a amené à fonder cette nouvelle approche astrologique que vous avez appelée Astrologie existentialiste ?

Depuis plusieurs années, je cherchais comment intégrer ma pratique de psychothérapeute à celle d’astrologue. Les termes ‘astrologue’ ou ‘conditionaliste’ n’exprimaient pas ma démarche de manière complète, d’autant plus que je me suis toujours méfié des étiquettes, réductrices par définition. Après le décès de Jean-Pierre Nicola, le fondateur de l’astrologie conditionaliste comme vous le savez, j’ai ressenti le besoin de prendre du recul sur ma pratique de l’astrologie.

En tant qu’enseignant et ami proche de Jean-Pierre Nicola, j’ai ressenti le devoir de perpétuer l’aventure du conditionalisme. J’ai voulu y intégrer ma propre pierre à l’édifice : mes nombreuses années de pratique en thérapie humaniste et existentielle. J’ai réalisé que l’approche conditionaliste, si solide soit-elle, nécessitait une théorie de la consultation plus concrète, une ouverture vers le champ thérapeutique. C’est de cette réflexion qu’est née l’Astrologie existentialiste il y a quelques années. Elle hérite de tous les apports théoriques du conditionalisme, mais les oriente vers la consultation en y ajoutant un ancrage essentiel : une éthique qui valorise le libre-arbitre et la responsabilité de l’individu, des notions déjà chères à Jean-Pierre Nicola.

Et cela implique une manière d’accompagner soutenante à base d’écoute active et clarifiante sans perdre de vue que le thème astral n’est pas la personne elle-même. Ce n’est pas une vérité absolue, et il ne contient en aucun cas le destin. Il n’est qu’une « proposition d’être », un point de départ à explorer avec le consultant pour l’amener à mieux conscientiser son rapport singulier au monde, à son environnement humain et à lui-même.

L’approche existentialiste tente de saisir dans le présent de la consultation la manière dont le consultant construit ses représentations du monde et de lui-même. Le thème astral est utilisé comme un ensemble d’indices à questionner, afin de vérifier leur pertinence pour la personne. C’est à partir de cette exploration que peut commencer un travail sensible et profond pour envisager avec la personne les possibles d’un changement de regard ou d’une déconstruction libératrice d’éventuelles représentations erronées ou déformantes de la réalité pouvant être sources de difficultés ou de souffrances.
Un tel accompagnement, à la fois astrologique et thérapeutique, ne s’improvise pas. Il nécessite une solide compétence clinique dans l’aide à la personne. Être un astrologue au sens traditionnel n’est pas suffisant ; cela demande de se former aux fondamentaux de la relation d’aide humaniste, comme l’écoute rogérienne ou la Gestalt-thérapie, par exemple.


Astrologie existentialiste
La clef des champs – René Magritte

Pour quelle raison avez-vous choisi de présenter ce tableau de René Magritte ?

Cette représentation a pour moi une forte charge symbolique. Lorsque j’étais lycéen, je l’avais collée sur la première page de mon agenda et elle m’a suivie durant plusieurs années. Il faut croire que j’étais déjà sensible à la puissance évocatrice des représentations et à leur capacité, pour certaines d’entre elles, à ouvrir le regard au-delà des apparences immédiates. Je trouve que cette peinture de Magritte « la clef des champs » illustre à merveille mon propos sur les représentations erronées, déformantes ou limitées de la réalité qui nous empêchent de voir le monde tel qu’il est, et nous-même tels que nous sommes en vérité. En brisant la vitre, Magritte nous invite à briser nos propres filtres pour nous libérer. Au fond, cette peinture qui fut une source d’inspiration durant ma jeunesse a gardé dans l’aujourd’hui de ma vie toute sa fraîcheur et est sans doute une des clefs de mon parcours personnel.


En guise de conclusion, pouvez-vous nous dire ce qu’apporte l’Astrologie conditionaliste dans votre vie ?

Pour moi l’Astrologie conditionaliste est bien plus qu’une simple discipline. Elle est pour moi une source de méditation constante sur le Réel. Au carrefour des sciences physiques et humaines, elle nous invite à explorer d’autres champs du savoir et pourrait nous aider à gagner en lucidité sur nos déterminations internes et externes, et sur les illusions auxquelles nous expose toute quête de vérité. C’est, à mon sens, une voie de connaissance authentique pour ceux qui ne craignent pas d’associer rigueur et imagination, rationalité et intuition, réalisme et poésie. Et sans doute aussi, dans la ligne de ce que Michel Foucault exposait en 1984 au Collège de France dans sa dernière leçon Le courage de la vérité : « On atteindra à la vraie vie qu’à la condition préalable d’avoir pratiqué sur soi ce déchiffrement de la vérité. Déchiffrer la vérité de soi dans ce monde-ci, se déchiffrer soi-même dans la méfiance à l’égard de soi et du monde, dans la crainte et le tremblement à l’égard de Dieu, c’est cela et cela seulement qui pourra nous donner accès à la vraie vie. »